Ils sont sept. Sept ingénieurs et techniciens Telespazio qui, depuis Toulouse, vivent à l’heure martienne -et même en horaires martiens puisqu’un jour martien équivaut à 24 heures et 40 minutes environ. Ce petit détail, qui les conduit à se décaler tous les jours, ajoute encore au caractère immersif de l’expérience qu’ils vivent. Menée pour la Nasa en coopération avec le Cnes et des laboratoires français, leur mission dans ce cycle d’exploitation opérationnelle consiste à programmer les instruments de ces trois équipements et à en assurer la bonne santé. « Dans le cas des rovers Perseverance et Curiosity, programmer les instruments signifie par exemple envoyer des commandes pour planifier des tirs laser sur des roches. Dans le cas de l’atterrisseur Insight, cela consiste à programmer le sismomètre français Seis pour enregistrer l’activité sismique et détecter d’éventuels tremblements de Mars. On s’intéresse donc ici à la structure de la planète. Notre rôle est de permettre aux scientifiques de réaliser les observations qu’ils ont conçues de la manière la plus efficace possible en garantissant la sécurité des instruments grâce à un certain nombre d’outils et de procédures » explique Laurent Peret, coordinateur de l’équipe Telespazio. Chaque instrument étant passager d’une plateforme multi-instruments, l’équipe veille également au respect du partage des ressources (mémoire, énergie, bande passante…) de la plateforme entre instruments. « Pour chaque activité, nous allons définir un modèle qui va dire telle activité va consommer tant de watts, va produire tant de mégabits de données, va durer tant de minutes… Cet aspect est, naturellement, très important dans des missions de cette complexité ». Une complexité qui, liée à la petite taille de l’équipe, contribue à entretenir un réel esprit commando.
Des opérations très dynamiques
Il en va de même du caractère très dynamique de ces opérations scientifiques pionnières. « Au fur et à mesure que l’on explore la planète et au gré du déplacement des rovers au fil des jours, nos collègues scientifiques ont des idées sur de nouvelles observations, de nouvelles manières d’utiliser les instruments… Les images arrivent tous les jours et la seule vue d’une roche intéressante sur un cliché peut faire évoluer le programme. Cette variabilité est très stimulante pour nous. Et cela s’ajoute au fait d’être acteurs de missions scientifiques qui font avancer la connaissance de Mars et, plus largement, du système solaire ». Un objectif d’ores et déjà atteint puisque chaque instrument a à son actif différentes avancées de premier plan.
Des découvertes majeures
« Parmi les dernières en date, Insight a détecté le plus fort séisme jamais enregistré sur Mars en 3 ans. D’une magnitude 5, ce qui serait un petit séisme sur Terre, c’est le Big One que nous espérions tous depuis le début de la mission. Les scientifiques vont désormais s’attacher à comprendre d’où provient le séisme, ce qui l’a engendré et ce que cela dit sur la structure interne de Mars. De son côté, grâce au micro embarqué sur SuperCam, Perseverance a récemment pu mesurer la vitesse du son sur Mars, ce qui constitue une première à la surface d’une autre planète. Des sujets tels que la turbulence atmosphérique et l’atténuation des fréquences avec la distance ont, également, fait l’objet d’avancées majeures. Enfin, concernant Curiosity, il y a récemment eu des découvertes concernant les isotopes du carbone dans le méthane, observés pour la première fois en dix ans, et qui intriguent. L’une des explications possibles à la formation de ces isotopes est d’origine biologique et pourrait être un indice de vie passée sur Mars. » Mais comment vit-on le fait d’être associé directement et quasi quotidiennement à des découvertes de cette ampleur ? De voir des images que personne n’a jamais vues dans l’histoire de l’humanité ?
Les Telespaziens, des Terriens martiens
« Pour un groupe comme le nôtre, c’est clairement très gratifiant de voir se réaliser, sur une autre planète, des opérations que nous conduisons depuis Toulouse. Et d’être, avec Telespazio, partie prenante de ce club très fermé à l’échelle de notre planète des Terriens martiens. Intervenir dans un écosystème d’innovation et de découverte aussi pointu est une grande fierté, en même temps qu’un moteur et une très belle carte de visite pour l’entreprise dans son ensemble, pour les femmes et les hommes qui la placent sur cette trajectoire d’excellence. » Et maintenant, quelle sera la prochaine étape des Telespaziens après Mars ? « Pour Telespazio, les différentes missions scientifiques d’exploration de l’Univers à court et moyen termes se nourriront bien sûr des acquis technologiques et humains de ces missions sur Mars. On pense bien sûr à la Lune, l’exploration des lunes de Saturne… Que ce soit avec la Nasa, l’Esa, le Cnes ou les laboratoires français impliqués dans des programmes de ce type, très souvent sous l’égide du Cnes, nous sommes naturellement bien identifiés et bien placés pour embarquer dans de nouvelles aventures » conclut Laurent Peret. Avec comme des étoiles dans les yeux…
Crédits photo : NASA-JPL/Caltech/ASU/MSSS