Bid manager chez Telespazio France depuis 2005, Philippe intervient également, depuis 2010, dans la gestion d’affaires et de projets. En 2018, avec son équipe, en tant que chef de projet, il a répondu à l’appel d’offres lancé par le CNES pour le Centre Spatial Guyanais concernant le projet STFOA6. Une mission qui devait durer 2 ans et qui, crise de la Covid-19 oblige, aura finalement duré 3 ans. « Il s’agissait ici d’une extension, pour Ariane 6, du système de Télécommunication par Fibre Optique existant à Kourou. Le système initial, déployé pour Ariane 5, avait déjà fait l’objet de mises à jour pour être adapté aux deux autres lanceurs opérés à Kourou, à savoir Vega et Soyouz. Un lanceur est conçu pour une durée générale de 20 à 25 ans et l’on imagine que les besoins d’un satellite à cet horizon ne seront bien sûr pas les mêmes qu’aujourd’hui, notamment en termes de bandes de fréquences d’utilisation. Les satellites actuels utilisent des bandes comme les bandes K, X, KU allant jusqu’à 18GHz. La projection technologique à 15/20 ans dit que l’on utilisera des bandes beaucoup plus élevées telles que les bandes KA, Q… Il fallait donc définir un nouveau système de télécommunication avec les satellites capables de fonctionner sur ces fréquences futures. »
Légende : Ariane 6 – Transfert UC sur UCT
© 2021 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique vidéo du CSG – P BAUDON
Mais en quoi consiste au juste le STFO ? Lorsqu’un satellite arrive en Guyane, il arrive avec son banc de contrôle, qui sert à le surveiller et à le tester. L’ensemble est alors placé dans une salle blanche appelée EPCU (Ensemble de Préparation Charge Utile). Pendant les 2 mois environ que dure une campagne satellite, celui-ci passe d’une zone à l’autre de la base et il faut rappeler que le CSG s’étend sur 700 km2. Le STFO permet d’assurer la liaison entre le satellite et son banc de contrôle durant toute cette période, quel que soit l’endroit où il se trouve sur la base spatiale. Pour cela, la base est maillée d’un vaste réseau de fibre optique car il peut y avoir plusieurs campagnes simultanées.
Ensemble de Préparation Charge Utile, Kourou - Mapcarta
Les spécificités du projet STFOA6
« C’est d’adresser, notamment dans les domaines des fréquences et de la puissance, des secteurs dans lesquels on n’a jamais travaillé. Les bandes de fréquence aussi élevées ne sont pas industrialisées à ce jour, ce qui fait qu’on est à la limite de la recherche et, comme il n’existe pas de solutions déjà implémentées, il s’agit de trouver les composants adaptés et de les assembler. Composant par composant, il faut combiner puissance, fréquences élevées et atténuation faible pour transformer cette puissance électrique en puissance optique et la véhiculer sur de grandes distances.
Autre particularité de ce projet, la règle du retour géographique propre aux programmes financés par l’ESA nécessitait que nous travaillions avec un prestataire espagnol. Nous nous sommes donc tournés vers la filiale espagnole de Thales Alenia Space (TASE), qui avaient une expérience intéressante dans les hyperfréquences. Avec un seul partenaire, l’organigramme des tâches et la conduite du projet se sont avérés simples et fluides. »
Un projet référence appelé à connaître des évolutions
C’est Telespazio France qui portait le projet, en assumait le bon déroulement et le parfait achèvement.
On a donc scindé en 3 sous-systèmes : le premier sous-système était le développement du produit STFO, le deuxième était les tâches logicielles pour la supervision du système et le dernier était le déploiement et validation des infrastructures en Guyane. Outre la relation client, Telespazio a donc pris en charge deux sous-systèmes sur trois. STFO est un projet qui a marqué les esprits car il est assez rare de voir des projets de cette nature, livrés en temps et en heure (abstraction faite de la parenthèse Covid), dans le budget et acceptés sans réserve. « Cette réussite est avant tout celle d’une équipe projet au sein de laquelle les compétences étaient bien réparties, mais également celle d’un partenariat gagnant au sein de la Space Alliance avec Thales Alenia Space Espagne, avec lequel nous avons fonctionné de façon totalement intégrée. Avec notre client, nous avons formé une vraie équipe à trois pendant toute la durée du projet. »
Légende : Ariane 6 – Transfert UC sur UCT
© 2021 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique vidéo du CSG – S MARTIN
STFO répond aujourd’hui aux besoins d’Ariane 6. Demain, il pourrait également être étendu à Vega C, la nouvelle version en cours de développement du lanceur italien. Chaque adaptation à un nouveau lanceur représentera une nouvelle évolution. STFO n’a donc pas fini de veiller sur les satellites avant leur lancement.
Philippe Riera
Philippe a 59 ans, est marié et père de trois enfants. Sa carrière est scindée en deux parties : de 1984 à 2001 à Kourou et depuis 2001 à Toulouse. Ingénieur en informatique industrielle, il a débuté sa carrière au Centre Spatial Guyanais (CSG), où il a travaillé notamment sur le développement et la qualification des programmes Ariane 4 et Ariane 5, au sein d’Alcatel Space, devenue ultérieurement Telespazio France. De retour en métropole, il est passé du monde des lanceurs au monde des opérations spatiales au sens large, plutôt segment Sol. Il travaillera ainsi pendant 3 ans au COR (Centre Opérations Réseaux) sur le site du CNES avant, en 2005, de devenir bid manager et de prendre en charge les réponses aux appels d’offres. Son équipe compte aujourd’hui 5 personnes. Depuis 2010, en parallèle de sa fonction de bid manager, Philippe intervient à la fois sur la gestion d’affaires (marchés sur des longues durées) et la gestion de projets (projets de développement). C’est à ce titre qu’il a géré le projet STFO-A6, qui l’a donc vu renouer avec la Guyane.